Cannabis : comment reprendre le contrôle ?
En dépit d’une des politiques les plus répressives d’Europe, les Français, et en particulier les mineurs, figurent parmi les plus gros consommateurs de cannabis de l’Union européenne. Le système de prohibition promu par la France depuis 50 ans est un échec : non seulement il est inapte à protéger les plus fragiles, notamment les jeunes mais, de surcroît, il pèse lourdement sur les dépenses publiques et profite aux organisations criminelles. Dans cette Note, nous explorons les réformes à entreprendre pour reprendre le contrôle de ce marché. L’analyse économique, combinée à l’étude des expériences étrangères récentes, montre que la légalisation du cannabis récréatif, strictement encadrée, permet à la fois de lutter contre le crime organisé, de restreindre l’accès au produit pour les plus jeunes et de développer un secteur économique, créateur d’emplois et de recettes fiscales.
Les expériences étrangères montrent que si ces différents objectifs peuvent être atteints, il est cependant nécessaire de définir la priorité assignée à chacun d’entre eux, et que cette priorité détermine les modalités concrètes de la régulation. Nous recommandons de faire de la protection des mineurs et de l’éradication des trafics les deux objectifs prioritaires de la légalisation. Pour ce faire, nous recommandons la mise en place d’un monopole de production et de distribution du cannabis, placé sous l’égide d’une autorité de régulation indépendante. Une gestion centralisée permet en effet d’encadrer efficacement le marché et, associée à une amélioration des outils statistiques nécessaires au suivi des évolutions de la consommation comme de la structuration du secteur, de prévenir ses dérives éventuelles.
Conformément aux deux objectifs prioritaires retenus, une partie des nouvelles ressources fiscales générées par la filière, dont cette Note propose une estimation, doit être utilisée pour protéger les mineurs et éradiquer le crime organisé. En premier lieu, il est nécessaire de garantir des produits de qualité et en quantité suffisante, en pratiquant initialement des prix payés aux producteurs suffisamment élevés pour assurer le développement de la filière, tout en maintenant des prix payés par les consommateurs suffisamment bas afin d’assécher le marché illégal. Dans le même temps, nous soulignons l’importance d’organiser le report des forces de police vers la lutte contre les gros trafiquants ainsi que vers un renforcement du respect de l’interdiction de vente aux mineurs du cannabis, mais aussi de l’alcool et du tabac. Les prix pourraient ensuite être revus à la hausse une fois le marché illégal éradiqué. En second lieu, nous recommandons de renforcer les politiques de prévention et d’éducation très tôt dans les écoles, collèges et lycées mais aussi auprès des familles et des personnels soignants. Finalement, nous recommandons de destiner une partie des recettes fiscales du cannabis à la politique de la ville et à l’éducation à destination des zones de trafic.